Le devoir de mémoire à quelques choses de délicieux. Plus qu’un devoir, il a quelque chose de respectueux, d’honorifique. La plupart des cultures, aussi vieilles soient-elles, ont toujours pris soin d’immortaliser les plus haut-faits de leurs aïeux. Culturels, scientifiques, sociaux ou martiaux, quel plus grand honneur que de faire perdurer les exploits de nos ancêtres ?
Il est des batailles qui se doivent d’être retenues. Des récits qui ne doivent pas être oubliés. Des contes si épiques que la décence même nous impose de les préserver. Quel meilleur exemple que l’assaut de l’Ost Pourpre et de ses alliés sur Ulduar ? Quelle meilleure épopée que le siège de l’entrée de la prison du dieu fou ? Quelle plus glorieuse histoire que la coordination et l’entente des soldats ?
En tant qu’écrivain acharné, il est évident que je ne puis décemment laisser les générations futures dans l’ignorance des exploits militaires de cette soirée. Au début comme à la fin de l’assaut, en première ligne comme au volant des formidables engins mécaniques dont nous disposions, l’Ost a su faire preuve d’une discipline remarquable. Et c’est fort de cette qualité que nous vînmes à bout de nos adversaires, il n’y a aucun doute là-dessus.
C’est donc après un voyage des plus redondants et fastidieux -que j’ai la grâce de vous épargner- que, de retour dans ma chambre, alors écuyer, de la tour de garde, j’entrepris la rédaction du :
En première page, en lieu et place des remerciements et autres personnes envers qui il est usage d’indiquer les respects de l’auteur, trône une petite griffe, d’une calligraphie raffinée, suggérant l’habitude des vélins de la part du rédacteur.
“Note de l’auteur : A l’instar de son prédécesseur, ce recueil est dédié à mes amis de l’Ost Pourpre. Il contient l’immortalisation de la bravoure de ses soldats, de la vaillance de ses alliés et du courage des deux. A vous, chers amis, j’offre ce témoignage authentique d’une des plus grandes batailles qu’il nous ait été donnée de livrer, sans aucun doute dessus.
Puissiez-vous toujours aller dans l’honneur.”
Après avoir bravé les flots capricieux de l’océan, défié les plaines désolées de la toundra, les neiges de la désolation, après avoir profité du calme de la forêt de cristal, pour ensuite reprendre la route au milieu des cimes éternelles des pics foudroyés, où le malheureux ignorant ne manquera pas, au détour d’une plaine, de se perdre parmi les neiges obscures et les ravins dissimulés, nous parvenons enfin au lieu-dit d’Ulduar.
La citadelle ne manque pas d’en impressionner plus d’un. Si vaste qu’elle comble l’horizon, s’élançant fièrement et sans rougir parmi les cieux assombris par les nuages incessants de la région, ses tours, ses bastions et ses donjons défient avec arrogance l’aventurier et le combattant. Nombreux aurait pâlit face à une telle grandeur, et si nous n’étions pas tous transis par le froid mordant qui ceignait alors nos pauvres os glacés, j’aurais été le premier à m’extasier devant une telle œuvre des Titans.
Mais oubliant un instant mes élans d’historien et de professeur, je me contente alors de m’emmitoufler dans l’une de ces énormes guimpes que le Capitaine Lamérable avait eu la pertinence de prévoir, rabattant les forures sur mes épaules, tandis que les silhouettes de nos compagnons sortent du blizzard, un peu plus loin. La réunion ne se fait pas attendre, la connétable de Nor Laedro ordonne le rassemblement cependant que le capitaine nous expose la situation, avant de nous expliquer les manœuvres globales de la soirée. Alors que le froid se fait de plus en plus insoutenable, nous nous réjouissons alors tous d’entendre les officiers lancer l’invasion… Paradoxalement, je me dois de l’avouer. Après avoir récupérer nos effets, armes et baluchons, nous nous rendons alors en ordre en direction des imposantes portes de la citadelle, la boule au ventre. Nous étions alors accompagnés de quelques membres de la confrérie des Hordeux Contrôle, de nos frères Aigles de Wildhammer mais également de quelques vagabonds. Allez savoir comment ces derniers en étaient arrivés là, toujours est-il qu’ils nous offraient leur aide, et que nous l’avons acceptée.
Si nous étions tous plein d’entrain, malgré la peur ambiante, de pénétrer les portes d’Ulduar, il s’avère en réalité que la chose fut bien plus difficile dans la pratique. Et ce notamment par le fait qu’aucun type d’escalier ou d’accès ne menait à ces-dernières. Un énorme pont en ruine nous surplombait alors, qui devait servir du temps de ses occupant à accéder à la citadelle. Aujourd’hui impraticable, nous ne parvenons que des dizaines de minutes plus tard à accrocher en son sommet plusieurs grappins, et à improviser un ingénieux système d’ascenseur jusque sur le pont. J’ai toujours voulu rencontrer un titan, on les dit gigantesques et fabuleux. Je dois avouer que ce que j’ai pu voir durant cette soirée a achevé de me convaincre à ce sujet : le pont, large de plusieurs centaines de pieds, s’étendait et disparaissait derrière nous jusque dans le brouillard du blizzard, surplombant un gouffre si profond qu’il ne semblait pas avoir de fin, et s’achevant en son autre extrémité aux pieds de l’entrée de la forteresse tout aussi fantastique.
Alors que nous surgissons du tunnel conduisant à l’intérieur d’Ulduar, je dois avouer que plus d’un en fut époustouflé. Si le lieu semblait gargantuesque d’extérieur, loin s’en fut de la réalité de la chose. Arrivant dans une cour intérieur faramineuse, et vaste d’un espace indécent, nous pouvons apercevoir des dizaines de tours, de forteresses, de donjons ceints de passerelles fantastiques, sur lesquelles trônent des tourelles mécaniques, prêtes à balayer quelque espèce d’attaque que ce soit. Les mots me manquent pour vous donner à voir ce que nous pouvions alors observer, je me contenterais donc de dire que tout semblait sortit de nos rêves les plus fous.
L’ensemble était mystique, des dizaines, que dis-je ! Des centaines de nains de fers nous attendaient de pied ferme, campant fermement leurs positions. Leurs renforts arrivant incessamment par le biais de transport magique implantés à l’intérieur de tours de pierres, et dont le mécanisme semblait alors indestructible.
Et cela aurait bien été le cas d’espèce, si la ligue des Explorateurs ne tenait alors la cour principale, et y avait installé un campement fortifié de magie et de barricades. Heureusement pour nous, Brann Barbe-de-Bronze et sa troupe avait prévu de quoi percer les défenses insensées nous barrant alors la route. Les officiers se concertèrent tandis que nous nous préparons à l’assaut imminent. Au bout de quelques minutes, il fut décidé de scinder nos troupes en plusieurs groupes d’attaque. Pour ma part, votre serviteur a eu l’honneur d’être placé sous le commandement du chevalier Egmond de Darrow, dans une compagnie répondant au nom d’Hydromel, et alors formée dudit commandant, de moi-même ainsi que de sir Mazdon, dame Velgari et dame Abeline. Je ne connaissais alors pas cette dernière, et ne manquais pas de me présenter en bon gentilnain que je suis, avant que l’assaut ne soit ordonné.
M’entendant quelque peu en matière de mécanique, ou du pilotage tout du moins, je décide alors de prendre le temps d’une révision de dernière minute à l’aide de certains bricoleurs qui ne manquèrent pas de me tenir la langue sur leur labeur. Une fois opérationnel, j’ouvrai la petite écoutille d’accès au poste de conduite, avant de me faufiler au siège de conducteur, cependant que ser De Darrow prenait quant à lui le poste d’artilleur en chef, coordonnant le personnel nous accompagnant dans la manœuvre de cette merveille d’ingénierie.
Je pense qu’il n’est pas donné à tout le monde de vivre pareil moment, et je suis fichtrement heureux de l’avoir suivi. Un assaut d’une telle ampleur à quelque chose de grisant. Ce petit quelque chose qui vous fait oublier la peur et les affres de la guerre. La défense d’Ulduar s’écrase littéralement sur nos blindages, leurs colosses ne parvenant qu’à nous ralentir et à nous offrir quelques rayures. Seul un démolisseur fut mis en pièce alors qu’il se fit surprendre par un monstre de mécanique, semblable à un arachnide gargantuesque. Mais même cette abomination ne fit de vieux os face aux feux croisés de nos chars, finissant par passer l’arme à gauche, si vous me permettez ce jeu de mot, nous permettant enfin de reprendre notre chemin.
La poudre vole tandis que les obus fusent et explosent, répandant explosions, feu et dévastation. Bien vite, il ne reste que ruines et désolation derrière nous, les barricades en ruine et les forteresses balayées. Nos chars continuent leur œuvre sous un concerto d’éclats explosifs et de tirs de barrages, de missiles et de crache-flammes. Enfin, la route semble dégagée.
Un répit bienvenu se présente à nous sous la forme d’une pause mandée par nos dirigeants, que nous accueillons avec grand’ joie, reposant séant et baluchons à-même le sol pour les plus éreintés. Hélas, ce relâchement est de courte durée, cependant que d’énormes et effrayants fracas métalliques résonnent alentours. Les échos de cette mélodie nous parviennent aux oreilles comme autant de requiem alors que nous en observons la source : une espèce de création de métal et de fusibles, se mouvant naturellement et tenant l’entrée de la citadelle avec fierté, nous provoquant avec une légèreté étonnante. La simple vue de ce colosse ne manque alors pas d’en faire hésiter plus d’un, et c’est grâce à l’éloquence et aux discours du capitaine qui parvient avec une facilité déconcertante à nous remettre du baume au coeur que nous nous élançons dans un cri de guerre à l’encontre du monstre de plaques.
Je crains ne pas entendre grand-chose en matière de combat à proprement parler, aussi ma sémantique risquerait d’être insuffisante concernant les exploits martiaux de mes compagnons. C’est pourquoi je passerais ce point, me contentant de vous avouer que la discipline était une fois encore au rendez-vous.
Je puis cependant, pour me faire pardonner cette zone d’ombre, vous détailler la stratégie brillante mise au point. Nous étions alors parvenus à faire venir quelques-uns des engins de sièges parmi les plus endommagés avec nous. Ils n’étaient clairement plus en état de défaire la merveille technologique nous faisant face, mais amplement suffisants pour l’endommager ou à défaut détourner son attention. Tandis qu’après avoir bloqué les commandes, les chars vinrent se briser sur les chevilles de métal du colosse, arrachant plaques de protection et nous offrant quelques faiblesses parmi la carlingue du monstre, nous nous élançons directement contre lui. Tranchant et sectionnant câbles, fusibles et engrenages. Le monstre, une fois au sol, tenta bien de nous balayer de ses massifs bras. Heureusement pour nous, la célérité de nos plus grands épéistes vint à notre secours, cependant que la lumière électrique des prunelles de verre de la machine perdait de leur éclat. La victoire est à nous ! Quelques hourras retentissent, tandis que, moi, je me contente de m’asseoir et de reprendre ma respiration.
Mais nous n’avons pas encore fini. Ce n’était là qu’un amuse-bouche, voyez-vous ? Notre but est de joindre les tréfonds de la ville, et nous entendons bien y parvenir. Mais désormais, il ne faudra plus compter que sur notre expertise, l’entrée se faisant au moyen d’un transporteur arcanique personnel des plus impressionnants, je dois en convenir.
Si nous pensions ce tantôt que les défenses de la ville étaient sans limite, nous étions en réalité bien loin du compte. A peine usons-nous du transporteur que nous arrivons face à une véritable marrée de défenseurs en armes, prêts à en découdre. Certes, nous étions nous-même d’un nombre certain, mais nous n’avions alors absolument aucune chance face à une telle armée. Résignés, nous convenons que la citadelle restera aux mains des nains de fers pour quelques moments encore, et décidons d’emprunter de nouveau le transporteur jusqu’en la cour précédente.
Et nous qui pensions notre combat achevé, envisageant déjà un repos bien mérité, nous déchantons bien assez tôt. Là où nous n’avions laissé que débris de machines, reliquats de bastions et ruines de pierre se tient désormais un immense dragon cuirassé, d’une espèce qui m’était alors inconnue, et que je sais aujourd’hui se dénommer “Proto-drake”. Revêtant une armure complète d’un métal noir qui aurait dû le maintenir au sol par son poids, nous comprenons vite que cette violation des principes physiques doit résider en ces runes luisantes ornant les plaques des armatures.
La monstruosité nous remarque aussitôt, et se prend le loisir de nous canarder de son souffle ardent, alors que nos plus féroces porte-pavois s’enhardissent de leur courage le plus noble, formant une véritable carapace de leurs écus. Mais cet acte de bravoure ne nous parait alors qu’un simple report d’une mort inévitable. Et je dois avouer que nous devons notre salut à la ligue des explorateurs qui, usant de mousquets et de harpons, parvient à faire chuter le dragon au sol. Nous nous empressons alors de lui offrir notre réponse en le privant de ses runes, le clouant au sol. Grâce à la coordination de nos troupes et des artilleurs nains, nous parvenons à défaire le monstre non sans perte, les crachats de flamme du dragon redoublant de férocité et entamant nos lignes.
L’on nous ordonne alors la fin de l’expédition, tandis que nos arcanistes parmi les plus efficaces s’échinent à stabiliser un portail de transport magique en direction de la capitale d’Hurlevent. Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes d’efforts considérables de la part de plus d’une dizaine de magiciens que la voie est ancrée à notre plan, et qu’une procession commence alors en direction du portail.
Nous parvenons éreintés au sein de la capitale. Nous rendant aux écuries, nous empruntons quelques montures, décidant de nous rendre à notre bastion à la lisière de la forêt d’Elwynn, alors que la plupart de nos compagnons préfèrent loger dans les établissements de la ville, trop éreintés pour rallier le chemin. Et la suite, vous la connaissez : me voilà assis dans ma chambrée, voûté sur mon bureau à vous conter cette aventure.