L’arrivée de l’automne marque un changement majeur dans l’année. Les feuilles jaunissent amoureusement avant de choir, se décomposant en un cycle irrémédiable qui ne manquera pas de reprendre l’année suivante. Les arbres s’attristent en perdant leurs ramures, cependant que leurs troncs, si fait que leur nudité est exposée, semble plus tortueux, plus noueux. Alors que les jours raccourcissent, les ombres s’allongent et les nuits se font d’encre. Les nuages plus denses pleurent sur les régions, du Nord comme du Sud. Les bois se font lugubres, les ruelles glauques. Un cadre idéal pour les gredins, malfrats et sorciers.

   Mais l’arrivé de l’automne marque surtout l’approche d’un évènement incontournable, qui selon un doucereux paradoxe, vient jouer sur cette frayeur latente pour offrir un divertissement par tous reconnu, le temps de festivités dansantes et sucrées, où la terreur est mise à l’honneur.

   C’est en ce contexte horripilant qu’un nouveau livre des souvenirs vint s’ajouter, œuvre de votre serviteur Ragthar. Une soirée lugubre, un endroit sinistre, un cadre sombre et morbide… Une soirée où incompréhension, machiavélisme mais tout de même humour ont été au rendez-vous, et qui fera l’objet de ce quatrième tome des livres des souvenirs. Attrapez un bon café, allumez-vous un feu et installez-vous confortablement pour découvrir les épouvantes de cette soirée de l’horreur… Et des friandises !

   Sans plus attendre, tremblez devant :

   Face à l’adversité, il est d’usage de se serrer les coudes. Un adage qui fut alors suivi à la lettre par la Cloche, qui le temps de cette soirée, organisée par un certain Capitaine et un certain bûcheron, fut alors accompagnée dans ses péripéties de la Confrérie Hordeux Contrôle, et de ressortissants des Aigles de Wildhammer, que nous saluons bien bas.

   Si Azeroth toute entière sombre dans l’obscurité la plus totale les soirs de Sanssaint, il est une région où cette réalité semble tenir sa concrétisation. Et cette région ne saurait être autre que les fameux bois de la Pénombre, qui en cette saison, porte fichtrement bien leur nom ! J’ai grandi dans les cimes enneigées de Khaz’Modan. La rare végétation qui m’accompagnait alors n’était que celles des conifères. Et je dois avouer qu’ils me manquèrent alors bien assez, alors que me mouvant sur les sentiers incertains conduisant à une bâtisse en ruine, choisie pour la soirée, des dizaines d’yeux luisants me suivaient sans vaciller. Parfois, j’aurais même juré avoir aperçu un sourire les accompagner. Je me pressais alors, la peur au ventre chemin faisant, pour enfin découvrir le lieu-dit. Là, ébahi, j’observais le légendaire Chauve-sourie elfe ! La lune dans le dos, projetant son ombre majestueuse en contrebas, il semblait ressurgir du passé, à l’époque où il veillait sur le bourg de Gauth’Hamm.

   Mais que serait un héros sans son fidèle second ? C’est ainsi que j’observais l’incontournable Robinet ! Partagé entre la joie d’apercevoir de telles figures, et l’inquiétude que m’imposait la raison de leur présence… Je pusse bien vite remarquer l’infâme Juck le Citrouilleur ! Il était connu pour avoir été l’instigateur du soulèvement de plusieurs potagers. Dernier méfait en date : la révolution du jardin agricole de Hurlevent, où il parvint à soulever une armée de courgettes et de potirons. Bien entendu, les rumeurs faisant mention de la possibilité que ce monstre de légume soit en fait moi-même est parfaitement infondée. Certes, il m’est similaire en taille et en corpulence. Mais lui, c’est une citrouille.

   Bien vite, nous fûmes alors rejoint par Poison-grimpant, némésis des deux comparses Chauve-Souris elfe et Robinet ! Laquelle tenta de les faire descendre de leur perchoir par ses charmes. Mais bien crédule celui qui pensait le duo si faible d’esprit ! Ils restèrent en sécurité, alors que des invités parmi les plus machiavéliques nous rejoignirent. Kel’Thuzad, un -ou une ?- arakkoa, un sorcier troll et une nécromante. L’on reçut même la compagnie d’un génie des déserts ! Aucun doute, les plus grands esprits du mal se réunissait se soir. Azeroth avait légitimement matière à trembler.

   Mais tout ce vilain petit monde s’agaçait de plus en plus de ne point perpétrer vils complots, de ne plus échafauder infâme manigances et diaboliques plans ! Une espèce de trêve sembla alors s’installer entre les représentants de la malveillance et le duo de héros, qui leur proposa de se divertir le temps de cette soirée, offrant à Azeroth un soir de répit supplémentaire par la même occasion.

   Ils conduisirent les génies du crime à l’intérieur de la bâtisse, où il fallut alors faire preuve d’un sang-froid prodigieux pour maintenir les monstres en de cordiales relations, alors que les squelettes se relevaient d’un côté, que les morts-vivants déambulaient d’un autre et que les citrouilles s’impatientaient de l’autre. Un bien piètre défi pour le duo qui bien vite les mena en fasse d’une porte pour le moins extravagante. De l’énergie inconnue y crépitait, tandis que les plus présomptueux postulèrent un portail vers le néant distordu. D’autres encore imaginèrent d’improbables traquenards tandis que la plupart demeurèrent muets. C’est alors que, contre tout attente, une farandole de lumières, de vapeurs et de fumées, parfois rouges, parfois noires, fusèrent et fustigèrent alentours ! Balayant une assemblée bien trop habituée à ce genre de spectacle pour en être surprise mais trop amoureuse des rites diaboliques pour ne pas s’y intéresser, les vapeurs prirent bien vite forme en se matérialisant sous des formes humanoïdes ! Le légendaire adjoint de la Garnison de l’Ost Pourpre fit son apparition, cul-nu ! Après inspection de sa moustache, et en écoutant ses dires, plus aucune contestation n’était possible. Il s’agissait bel et bien du soldat montant la garde devant la garnison, inflexible. Le pauvre était bien sous l’emprise d’une zizanie sans précédent. Beaucoup pensèrent à le passer par le fil de l’épée, simplement pour s’amuser. Que voulez-vous ? Lorsque l’on est un génie du mal, on a des divertissements exotiques.

   Par la suite, c’est un duo de gnome qui nous parvint. A contrario du moustachu de tantôt, ils semblèrent bien peu étonnés de leur arrivée impromptue. A l’inverse, ils semblaient plutôt rassurés, comme si leur présence ici n’était que l’enchainement logique d’une succession progressive d’évènements dont le cheminement était porté à les conduire précisément en ce lieu, à ce moment déterminé. Ils enchainèrent par d’horripilants débats sur la physique quantique et le mouvement mécanique de particules au sein d’un référentiel particulier. Et bien que la plupart des esprits -pourtant parmi les plus brillants- semblaient perdus au milieu du torrent de leurs divagations, les gnomes ne semblèrent pas spécialement enclins à partir.

   Mais même le plus scientifique des esprits et le plus curieux des personnages doit se montrer raisonnable. Surtout lorsque qu’une liche se dirige vers lui, yeux luisants et chaines flottantes dans une aura de givre. Ils disparurent à la vitesse de la lumière (dont ils avaient d’ailleurs expliqué le fonctionnement durant leur débat), pour ne laisser qu’une fumée latente se prélasser au sol.

   Et si nous étions alors pour la plupart remontés plus que de raisons (c’est bien connu, les méchants haïssent le monde entier), le pire restait à venir ! Une horrible nouvelle, une effroyable annonce que même les plus monstrueux personnages de la réunion ne purent souffrir : le marchand de bonbon avait disparu.

   Impossible de laisser passer un tel coup ! Hey ! C’était nous, les vilains ici ! C’est à nous qu’il appartient de faire les sales coups ! Où va le monde si on commence à nous voler ce que l’on fait de mieux ! Fourbissant faux, dépliant sombres grimoires, soulevant massifs fléaux et emportant soldats-légumes, les méchants étaient décidément bien décidés à en découdre avec le petit malin qui avait voulu leur jouer un tour. Et ils escomptaient bien lui montrer qu’à la tradition “Un bonbon ou une farce ?”, il convenait de donner un bonbon aux méchants, et pas de leur jouer une farce.

   Traversants les cimetières, dont les nécromants et mages noirs profitèrent pour gonfler nos rangs, tandis que Chauve-Souris elfe et Robinet, si remontés qu’ils en oublièrent leur rôle de gentils, rejoignirent la procession expiatoire des vilains de la soirée, l’attroupement de marcher avec conviction en remontant une piste d’emballages mâchonnés, lesquels finirent par les conduire à l’entrée d’une obscure crypte qui en aurait angoissé plus d’un, mais qui nous était à nos yeux ce qu’est la plus chaleureuse taverne aux yeux des héros.

   C’est donc le rictus aux lèvres que nous nous engouffrèrent dans les sombres et putrides caveaux d’un reliquaire oublié, dont les portes avaient été outrageusement éventrées dans la fuite de notre voleur et sa piste de friandises. Certains remontent les arcs-en-ciel dans le but de trouver un chaudron rempli d’or à ne plus savoir qu’en faire. Nous ? Et bien, nous remontions un chemin de papier dans une crypte remplie de goules décérébrées -qui à défaut d’être assez intelligente pour rejoindre nos rangs, furent joyeusement massacrées- afin de trouver un bac de friandises -et un bon bourre-pif au voleur-. Après avoir bravé un ossuaire dont la taille supposait des dizaines de générations de morts, et après avoir lutté contre les ténèbres et les lianes d’un tunnel envahis par les racines des arbres, sis au-dessus de nos têtes, nous débouchions alors dans une espèce de laboratoire. D’horribles produits trônaient sur les tables d’expérimentation, dont certains de nos experts empoisonneurs prirent soin d’emporter quelques échantillons. L’on entendit même deux protagonistes tenir une discussion à propos de ce qu’ils feraient ce soir, avant de conclure qu’ils tenteraient comme chaque soir de conquérir le monde.

   Mais qui ne partageait pas ce but, parmi nous ?

   L’infâme détrousseur finit par se faire attraper. Inutile de vous détailler le sale quart d’heure que le bougre passa alors. C’est donc forts de nos confiseries que nous regagnâmes la bâtisse du début de soirée où nous pûmes alors reprendre le cours des festivités dans la plus malsaine des ambiances et la plus horrible des convivialité.

   Et afin de redonner le ton, c’est l’arakkoa qui s’élança devant ses confrères, pour révéler son identité ! Il s’agissait en fait d’un célèbre esclavagiste de son peuple, qui avait l’occasion de fournir les plus grands criminels et méchants de l’histoire en sbires et acolytes ! Il avait en outre commercé avec le Joe-quet, Rivière -un commerçant douteux-, et selon des dires plus qu’osés, avec Flinson Steelwood -dès qu’il est question de vilénie, son nom ressort, à celui-là !

   Il y en avait pour tout type de méchants ! Des gnolls pour vos sombres bois ? Des gobelins pour vos donjons ? Une tribu de furbolgs pour vos collines ? Et avec ça, vous prendrez bien une meute de loups enragés pour vos steppes ? Comment, un supplément de gorilles -et de tonneaux- ? Un ogre pour vos caves ou vos antres ? Et pourquoi pas une salamandre pour votre volcan ? Beaucoup trouvèrent leur bonheur et je peux vous parier que, avec la qualité des marchandises avec laquelle ils repartirent, beaucoup d’aventuriers s’en mordraient les doigts en s’essayant à braver leurs repaires !

   Alors que les heureux propriétaires regagnaient les rangs en compagnie de leurs nouvelles monstruosités, et que l’arakkoa repartit avec probablement assez de pécule pour se payer un château hanté dans les plus désolés landes des hautes-terres, les derniers réjouissements furent sonnés ! C’était l’heure du concours du plus beau méchant de la soirée ! Oh, inutile de préciser que le concept même élança directement de vives protestations, chacun se considérant comme le plus séduisant vilain qu’Azeroth ait eut l’honneur de porter. Néanmoins, nous étions tous plus arrogants les uns que les autres, et plus encore avions-nous tous l’esprit de compétition. Et entre experts de la mode et du goût, nous étions assurés d’un public professionnel.

   Beaucoup défendirent ardemment leurs tenues de super-vilains. Et à vrai dire, la plupart avait de quoi faire trembler le plus vaillant des champions de la Lumière. Que ce soit ce barbare et ses colliers de dents, dont certains étaient probablement humaines, ce sectateur et ses différents “outils de travail” ou encore ce “nain-bête” -dont certaines mauvaises langues le comparèrent à un chevalier de l’Ost Pourpre de l’époque- et ses énormes griffes, tous méritaient le premier prix.

   La lutte fut vive ! Et c’est finalement entre le maitre-confiseur et Chauve-souris Elfe que la finale se joua ! Malheureusement pour le héros, et pour le plus grand plaisir des méchants, c’est le confiseur qui l’emporta. Il est probable que les péripéties de la nuit, l’amour pour les friandises et la haine pour les gentils héros et défenseurs du peuple par l’assemblée jouèrent un rôle dans le partage des voix finales.

   Alors que la fin de soirée furent sonnés, et juste avant que les méchants ne profitent de la cessation de la trêve pour se lancer sur Chauve-souris elfe et son comparse de Robinet, ces derniers prirent la pose avant de disparaitre comme ils nous avaient habituer à le faire… Non sans avoir au préalable monté le plus vil complot que cette terre ait connu -ce sur quoi tous les méchants de la soirée s’accordèrent- : la retour du TCHOU.

   Vous vous demandez sans doute comment moi, alors simple écuyer de l’Ost et donc ennemi de ces monstres ait pût m’introduire à leur petite fête ? Vous trouvez peut-être trop douteuse la coïncidence avec mon absence et la présence de Juck ? Et bien non ! Je nie et renie ! J’ai simplement sût faire preuve d’une discrétion légendaire et suivre la troupe durant la soirée !

   A fortiori, toute ressemblance entre un des supers-vilains ci-dessus et un membre de l’Ost Pourpre, des Aigles de Wildhammer ou de la Confrérie Hordeux Contrôle est purement fortuite.