C’est avec un certain retard et un véritable baluchon d’excuses que j’ai décidé, ce soir, de reprendre la plume.

   Après une période d’arrêt plus ou moins forcé de ma part quant à l’écriture de la série des Livres des Souvenirs, je me suis vu il y a de cela quelques mois seulement dans l’obligation de mettre de côté la publication de mes œuvres, et ce pour tout un panel de causes dont nous retiendrons seulement l’explosion de la presse manuscrite avec laquelle j’étais en collaboration pour la parution de mes ouvrages.

   Et c’est donc également avec grand joie que, aujourd’hui, je mets fin au silence pour reprendre avec une nostalgie que je dois vous avouer, le récit des histoires traversées par l’Ost Pourpre. Et quoi de mieux pour coller à la thématique que d’orienter le sujet de cet opus sur une soirée qui avait justement le loisir de partager un but plutôt semblable ?

   Alors n’attendez plus. Profitez du retour de ser Armandoh pour vous armer d’un bon café, et savourez avec moi la lecture de ce nouvel opus.

 

   Bonne lecture.

 

   Le rendez-vous avait été convenu au sein du récemment mais ouvert mais pour autant déjà notoire bar “tabasse”, au plus profond des bas-fonds du tramway des profondeurs reliant Hurlevent et Forgefer et célèbre pour les sombres affaires ayant pris pour habitude de s’y tenir. Et ce nouvel établissement, loin de déroger à cette règle, vient suivre l’adage à la lettre ! Ambiance glauque et poisseuse, nous baignions alors dans un mélange de vapeurs et d’huiles volatiles, rejetées par les passages successifs des trams au-dessus de nos chefs.

   Une chance que notre connétable, alors absente, avait eût la charité de nous réserver l’établissement dans son entier, nous évitant une clientèle que j’imagine à l’image des lieux : peu fréquentables. Des videurs avaient d’ailleurs été engagés pour la soirée, s’assurant de nos personnes et de notre tranquillité. Optant pour une tenue à large capuchon, peu désireux de me faire reconnaitre en de tels lieux (un professeur de l’académie, chevalier et pair de Lordaeron qui plus est, dans les bas-fonds, cela ne fait vraiment pas sérieux), je me suis alors rendu près du comptoir où, en avance, je pris commande en attendant le reste des invités.

   Qui ne tardèrent pas, par ailleurs. Bien vite fus-je rejoint par le gentilhomme Augustus Von Lutgardis, ayant quitté son légendaire haut-de-forme, suivi bien assez tôt par l’éternelle Baronne de Sangre, nous ayant une fois encore ébloui par la splendeur l’accompagnant. Peu après, voilà que ser Elrön, ancien ressortissant de la Meute Sombrecrin et aujourd’hui membre de la Cloche, vint nous saluer. Bien mis, élégant et toujours aussi chaleureux, je le saluais tout autant avant d’apercevoir l’incontournable Durandill, des Aigles de Wildhammer. Il aurait d’ailleurs été étonnant que ce cher Durandill ne soit des notres, en cette occasion ! C’est ensuite au tour de Boréalle, jeune humaine ma foi sympathique, de nous rejoindre. Revêtant… des vêtements que nous lui savons l’habitude de porter, dirons-nous. Puis, voici Kahnynn, un elfe que je n’ai cependant que peu côtoyer, et qui m’étonna par son penchant pour la boisson.

   Fait notable, nous retrouvions ce soir ser Armandoh ! Tantôt qualifié de génie, parfois d’inventeur stupide, je dois avouer que sa compagnie -et son café- m’avait particulièrement manqué.

 

   Les discussions se font vives, heureux pour la plupart de revoir des têtes trop longtemps, car ce n’est ni plus ni moins que le sieur Archibald Demes de Nor Laedro, mari de notre connétable et bucheron de son état, qui nous revient après des mois d’absence. Quelle stupeur que de revoir notre ancien lieutenant qui, bien que fondamentalement mon rival de par son appartenance à la compagnie SoS réprouvés, a toujours su être un réel ami.

   Notons également l’arrivé de dame Panteleï, médecin en chef et dirigeante de notre infirmerie !

   Partageant nos dernières aventures, et le conte de nos péripéties respectives, nous échangeons alors quelque mots en compagnie d’Augustus qui, accompagné de notre baronne de chambellan, est bien offusqué par la proposition que celle-ci lui a faite après lui avoir indiqué une table où attendaient quelques filles de joie.

   Mais bien vite, nous sommes coupés dans nos digressions alors que la dénommée Colhua, organisatrice de la soirée financée par la connétable, nous hèle. Masquée depuis le début de la soirée sous un délicieux visage d’une porcelaine immaculée, je pense pouvoir affirmer qu’elle nous a tous surpris par le véritable festin qui nous était alors réservé.

 

   Car là, aux milieux des tables cabossées et du comptoir incertain, se prélassaient fromages, pâtisseries, pièces montées ! Parfois du vin, et par ailleurs du champagne, mais cependant de l’ambroisie, brune comme blonde se disputaient nos pintes généreusement remplies par des fûts mis en perce spécialement pour l’occasion ! Sur des tables de bois fumaient, tous juste cuites, quelques spécialités vapeurs à base de porc -je soupçonne le concours de Dame Frerindis pour cette viande-, de légumes et de pâte cuite à l’eau !

   Des miches de pains à foison, des tartines à perte de vue et de la boisson à n’en plus finir ! Munster, caprice des nains, et même du bleu de Dalaran ! L’on chantera les fables de cette farandole de fromage des siècles durant ! Que demander de plus, en si belle compagnie que celle des nôtres ?

 

   Les tintements des coupes et le fracas des choppes se croisant sous les rires francs et les gloussements plus mesurés résonneront encore un moment dans les tunnels du tramway. Les discussions reprennent de plus belles, nous étant alors tous regroupés aux abords du comptoir. Je me permets d’aller saluer la sollicitude de Colhua, et le bon goût dont elle a fait preuve quant à la sélection des mets et boissons.

   Rejoint par Aseneca, une gnome inventive -peut-être trop-, Anelys -une draenei qui m’est encore inconnue- et Grita, extérieure à l’Ost mais y détenant visiblement quelques connaissances, nous partageons alors une bière, en toute tranquillité.

 

   Mais cette quiétude est soudainement mise de côté par les fracas d’une machine mécanique se mettant en marche ! Alors, nous apercevons enfin le maitre des lieux, un certain Bizmo, qui, de son engin volant, nous annonce le début prochain et imminent des célèbres combats à morts qui ont fait si rapidement la réputation de son établissement.

 

 

   Bien que ne cautionnant pas pareille pratique, je consens à m’approcher en compagnie des miens pour observer le “divertissement” qui à mes yeux tient plus de la boucherie, ni plus ni moins. Et le cadre de l’arène ne va pas en ma défaveur : des piquants d’aciers font office de tentures aux murs cloutés de l’enceinte. Des scies en titane, des tranchants de fer en ornent chaque coin, prêts à accueillir cruellement le maladroit ou l’inattentif.

   Et, alors que les immenses portes métalliques crissent sur elle-même, ne laissant à nos yeux qu’un immense vide d’ombre béant dans lequel nous devinons difficilement deux yeux jaunes luisant flottant un chouïa trop en hauteur, un infâme yéti s’avance, alors que s’élance face à lui, et avec un courage que nous devons lui avouer, le sieur Ericsonne, fier combattant que j’ai eu l’honneur de côtoyer dans le sable de Krasarang, face aux rangs de la Horde.

   Le brave a combattu avec vaillance, mais la force de la bête aura eu raison de lui. Fort heureusement, et malgré les règles de l’établissement, Ericsonne s’en sera sorti avec seulement quelques blessures plus ou moins graves.

 

   Quand soudain… le silence se fait alors que résonne un accord unique et singulier, résonnant avec écho dans toute l’arène. Les lumières des projecteurs se tournent alors que tous savent qui est arrivé (bien qu’il nous ait accompagné depuis le début de soirée) :

   Ser Solÿn de Malarme !

   Et ce n’est pas en qualité de maestro qu’il nous a rejoint, mais bien en celle de combattant de la fosse ! Une première, s’il en est, concernant ce chanteur de renom dont la talent n’est plus à prouver. S’armant de son luth, de sa foi et de son tournesol (tueur), le voilà qui, sous les hurlements hystériques de ses fans en présence, se jette littéralement au milieu de l’arène, faisant face au yéti avec un sang-froid que je ne lui connaissais pas.

   Et je ne pense pas être le seul à avoir été épaté de ses performances martiales. L’infâme créature à littéralement été balayée par les techniques redoutables, alliant une force aussi colossale que l’est le basalte du mont Rochenoire, et une technique aussi habile que celle ayant été utilisée par les architectes du pont de Tol’Barad.

 

   J’ai à peine le temps d’obtenir un autographe de l’artiste que Colhua nous invite à la rejoindre à un coin plus reculé de l’établissement, où une série de table copieusement garnies nous attendent paresseusement, et au sein duquel un étendard aux armoiries de la cloche flotte fièrement.

   Nous disposant autours des tablées, commençant à ripailler, celle-ci nous fait part d’une initiative proposée par notre connétable afin de renouer voire nouer les liens entre nos plus anciens camarades et les fraiches recrues. Le principe étant simple, l’un des nôtres se tient debout, tandis que chacun l’affuble d’un adjectif qu’il lui trouve pertinent.

   M’étant désigné en premier, j’ai eu la chance d’obtenir de biens urbains compliments, que je prends la peine, à présent, de saluer et remercier dans ce livre. Tout le monde y est passé, et nous apprîmes quelques croustillants ragots qu’il serait cependant indélicat d’exposer ici.

   Un retournement de situation particulièrement inattendu vint cependant nous frapper à la clôture de la soirée, alors que Colhua retira le masque… Mais allons, je ne serais pas bon auteur en vous révélant son identité. Libre à vous, absents, de spéculer !

   Nota Bene : nous voici arrivés à la fin de ce treizième opus des Livres des Souvenirs. J’espère, comme toujours, que la lecture vous fut aussi plaisante que la rédaction l’eut été pour moi. Je dédie cet ouvrage à Colhua et à notre connétable, pour avoir eût la générosité de nous organiser une soirée aussi charmante, dans un lieu si paradoxalement opposé.