Quatre jours.

   Quatre longues journées étaient passées depuis l’arrivée de la petite troupe à Embaari. Si le repos s’était révélé nécessaire pour nombre de voyageurs, et notamment pour les deux malades, il commençait à régner, au sein de la petite troupe, formée du Commando de Chutelune, de l’Ost Pourpre et d’autres réfugiés, une forme d’angoisse bien légitime.

   « Certes, nous avons survécu », semblaient clamer leurs regards désemparés. « Mais pour quoi faire, si nous ne pouvons plus rentrer chez nous ? ».

Chacun met la main à la pâte pour gérer le petit campement de fortune d’Embaari, quel que soit le rang.
Au coin du feu, les histoires et chants en l’honneur de la patrie perdue se multiplient, comme pour exorciser l’angoisse d’un retour impossible.

   C’est alors que survient un évènement inattendu : une draeneï surgit au campement, visiblement meurtrie, et s’effondre au milieu des soldats, non sans avoir prononcé le nom du disparu qui hante encore les pensées des membres de l’Ost Pourpre : Darion. Eldarion de Marnebuis, pour qui aime les titres, déclaré disparu au combat depuis la fuite de la jungle de Tanaan. Présumé noyé ou tombé sur le champ de bataille. Et qui, aux dires de la draeneï, serait aujourd’hui aux mains de l’ennemi.

Le nom d’un soldat de l’Alliance dans la bouche d’une autochtone ? Il faut enquêter !

   « Marques de privation, de torture sans doute ». Le jugement de l’anachorète en charge des blessés de la ville est sans appel : la pauvre enfant était sans doute prisonnière des orcs. Et, à en juger par les quelques mots qu’elle parvint à bredouiller avant de sombrer dans l’inconscience, elle n’était pas la seule : des dizaines de prisonniers peuplent la Forteresse de l’Angoisse, siège du sinistre clan Ombrelune.  Et, parmi eux, Darion.

Rejoints par une autre survivante de l’Alliance, Xyànâth, Lomah et Dareon établissent un plan de bataille pour libérer le pauvre homme.

   Décision est aussitôt prise d’envoyer une petite troupe mener l’enquête avant de tenter quoi que ce soit. Lishaasi, Darion et Xyànâth, tous trois draeneïs, partent donc en éclaireurs pour la Forteresse. Sur les conseils de la chamane, les deux paladins enduisent leurs armures de boue pour éviter d’être repérés trop facilement.

La Forteresse n’est pas très éloignée, mais le terrain est à découvert, et le trio progresse donc prudemment.
Les fourrés sont nos amis.

   Arrivés devant les portes de la Forteresse, ils décident prudemment de se contenter d’observer les allées et venues. Repérant ce qui constitue à l’évidence des cages où de nombreux draeneïs sont emprisonnés, ils repartent rapidement pour Embaari pour faire leur rapport.

Tout ceci n’a pas l’air très honnête...

   Pendant ce temps, le reste du Bataillon s’est mobilisé, et tout le monde s’apprête à partir, un peu angoissés tout de même devant cet inconnu qui s’ouvre devant eux, chacun gardant en mémoire le traumatisme de la première rencontre avec la Horde de Fer.

Quoique quitter Embaari ne peut que faire du bien, finalement.

   Plutôt que de faire la traversée de la plaine à pieds et risquer ainsi d’arriver épuisés à la Forteresse, où le combat sera sans doute nécessaire, Elisabelle, secondée de son amie Hyloo, récemment retrouvée, propose d’emprunter quelques montures aux éleveurs d’Embaari, qui semblent avoir pris goût au commerce et aux pièces d’or. Les elekks ne sont pas les montures les plus gracieuses du monde, mais ils font leur office, et une petite cavalerie est ainsi rapidement constituée. Rejointe par le trio d’éclaireurs, elle est maintenant suffisamment informée de la situation pour décider de lancer l’opération de sauvetage. La rapidité sera nécessaire pour ne pas affronter toute la tribu d’un coup !

   Une fois arrivés devant les portes de la Forteresse, les soldats décident d’y laisser leurs montures, qui ne feraient que s’exposer à de grands dangers à l’intérieur. Non sans une certaine appréhension, les membres du Bataillon pénètrent dans l’enceinte de ce qui n’est autre que le domaine du clan Ombrelune, de sinistre réputation.

Les elekks étant aussi dociles que leurs propriétaires, ils acceptent sans broncher de rester à brouter non loin de l’entrée du site.

   Très vite, la petite troupe se rend compte que les éclaireurs avaient vu juste : de nombreux prisonniers sont enfermés dans des cages en plein air, sans doute afin de leur faire subir les affres du climat… ou pour quelque dessein plus terrible encore ? Sans se poser de questions, les soldats libèrent les malheureux, qui se précipitent vers l’extérieur, la liberté, et Embaari. Ce soir, de nombreuses familles seront réunies.

   « Il faut aller plus loin, Connétable. Nous n’avons pas trouvé votre homme parmi les prisonniers. Espérons qu’il ne soit pas trop tard. »

   Les mots de Dareon sont justes, et Aurys en partage le fond. Nulle trace de l’humain parmi les draeneïs enfermés. Se pourrait-il qu’il soit déjà trop tard ?

La carrure imposante du draeneï a l’avantage de rassurer ceux qui le suivent : les premières flèches ne leur seront pas destinées !

A ce stade, l’infiltration est de mise, d’autant que le sang n’a pas encore coulé. Mais bientôt, il ne sera plus possible de revenir en arrière…

   Victoire ! Dans une nouvelle cage se trouve une draeneï qui, interrogée par Lishaasi, dit connaître Darion. Le malheureux a été trainé jusque dans les collines, sans doute pour y être sacrifié à quelque divinité impie… Il faut agir vite !

Accent nain contre accent draeneï, la communication n’est pas évidente.

   Une créature du Néant barre la route de la petite troupe. Derrière, c’est la possibilité de rentrer sans risque. Devant, un combat qui sera le premier de toute une série… Bien entendu, personne ne songe à retourner sur ses pas : en avant !

La créature disparait dans un sifflement qui vrille les tympans des combattants. Est-elle seulement vraiment morte ?

   Il reste peu de temps avant que le clan Ombrelune s’aperçoive que l’une des créatures qu’il tente d’invoquer a été abattue : on se rue alors dans le campement pour profiter de l’effet de surprise. C’est une question de minutes avant que le lieu ne se mue en véritable enfer !

Des ossements, une pierre rituelle... faites que le corps de Darion ne soit pas parmi ceux des sacrifiés !
Après plusieurs jours à manger la nourriture insipide des draeneïs, ce rôti a fait l’effet d’une bombe pour ceux qui l’ont croisé... La force mentale qui leur a été nécessaire pour s’en priver devrait être chantée sur tous les mondes !
Ce corps... Darion !

   Le pauvre Darion est enfin retrouvé, inanimé, dans l’une des huttes. Pas le temps de s’assurer de son état, car déjà les tambours de guerre résonnent. Il faut fuir, sous peine de voir la porte d’Embaari se fermer ! Tandis que les mieux armés forment un cordon autour du blessé, porté par un mystérieux bûcheron masqué, Akellios reçoit une flèche dans l’épaule, et doit à son tour être soutenu.

Peu, parmi les membres de l’expédition, savent aujourd’hui décrire avec précision la course qui les conduisit en dehors de la Forteresse de l’Angoisse, concentrés qu’ils étaient sur leur tâche : survivre.

   Embaari, enfin ! Cette expédition n’a duré que quelques heures, mais semble avoir pris des jours. C’est un miracle qu’il n’y ait pas davantage de blessés, et personne n’ose vraiment y croire. Mais déjà, il faut s’atteler au cas de Darion : le malheureux semble avoir fait l’objet des pratiques impies du clan Ombrelune, ce qui conduit Lutgardis, Elisabelle et Anaryos à unir leur force pour exorciser la créature du vide qui y avait trouvé refuge.

Le calme après la tempête : Darion est sauvé, au prix d’un ultime affrontement !

   À l’entrée d’Embaari, toutefois, on se concerte ! Le conciliabule entre la Connétable, Hägnar et Durnil aboutit à la conclusion que le clan Ombrelune ne laissera pas cette action impunie : il faut donc s’attendre à une contre-attaque rapide sur Embaari. Des mesures de défense doivent être prises, ce qui ne sera pas facile tant la petite ville est exposée à la plaine.

L’expérience militaire des soldats reprend vite le dessus.

   Sur proposition de Xyànâth, elle-même fille d’éleveurs d’elekks, les troupeaux de la ville sont de nouveau sollicités. Le plan est simple : dès que les orcs attaqueront, les elekks seront précipités sur eux afin de désorganiser leur attaque – et d’en écraser un paquet au passage ! De quoi créer la surprise, et permettre de frapper plus fort dans un second temps.

Mais il n’est pas si facile de convaincre un elekk d’aller se jeter dans les bras de l’ennemi. Satanées bourriques !

   C’est alors que Jadie, postée en sentinelle, surgit pour annoncer le pire : les forces du clan Ombrelune ont bien quitté la Forteresse de l’Angoisse… mais pour se diriger vers le campement de l’Alliance, au Nord ! Les naufragés qui s’y sont regroupés n’ont aucune chance face à un tel assaut !

Réfléchir. Vite. Quitter Embaari pour harceler l’ennemi dans son dos ? Tenter de le prendre de vitesse pour défendre le camp ?

   La vie de centaines de survivants de la bataille des Portes des Ténèbres est entre les mains d’un petit bataillon perdu…